Quelles sont les grandes familles d’émotions ?
Le psychologue américain Paul Eckmann, pionnier dans l’étude des émotions, a observé les expressions faciales dans diverses cultures et a dénombré 6 émotions fondamentales : la joie, la colère, la peur, la tristesse, la surprise, le dégoût.
Derrière l’émotion se cache l’expression d’un besoin :
- La peur exprime par exemple un besoin de sécurité
- la colère un besoin de respect et de considération
- la tristesse un besoin de réconfort
- la joie un besoin de partage
Pour rappel le mot « émotion » provient du mot français « émouvoir ». Il est basé sur le latin emovere, dont e- (variante de ex-) signifie « hors de » et movere signifie « mouvement ».
Une émotion est une réaction psychologique et physique à une situation. Elle a d’abord une manifestation interne et génère une réaction extérieure. Elle est provoquée par la confrontation à une situation et à l’interprétation de la réalité. De plus, selon les émotions, le corps va réagir différemment. Par exemple, la colère va faire rougir le visage et la tristesse va surtout toucher les poumons et le cœur. Une carte a été créée pour catégoriser les zones les plus touchées par les émotions, c’est une carte qui malgré les différences de culture s’avère être la même pour tout le monde.
Quels sont les liens entre émotions et situation de travail ?
Dans le cadre du travail et parmi la multitude de situations de travail auxquelles les travailleurs, managers sont confrontés, nous allons ressentir en tant qu’individus des émotions à la fois agréables et désagréables, tout au long d’une journée.
Prenons l‘exemple de la joie : cette émotion agréable à laquelle est associée un certain nombre de ressentis physiques et de sentiments tels que la chaleur, la sérénité, le sentiment d’appartenance, l’envie de célébrer, la fierté du travail réalisé…
Les situations de travail suivantes sont caractéristiques des situations où les salariés, managers, pourraient ressentir des émotions agréables telle que la joie :
- lors des temps de cohésion dans les équipes,
- lorsque la communication est faite de manière régulière, fluide, claire,
- lorsque qu’il y a un management de type collaboratif avec la prise en compte des besoins, idées, propositions des collaborateurs.
- dans des relations de travail saines :
- signes de reconnaissances positifs et justement dosés donnés aux salariés, aux managers au sujet de leur travail, de leur posture au travail.
- encouragement donné de la part des managers
- entraide dans les équipes, dans le travail
- dans des temps collectifs hors temps de travail
- repas en dehors de l’entreprise
- activités physiques, sportives, culturelles en dehors de l’entreprise
Quels sont les besoins fondamentaux des salariés et managers ?
Dès lors que les salariés et managers se situent dans des situations de travail telles que citées ci-dessus, nous pouvons faire l’hypothèse que les besoins suivants sont satisfaits :
- besoins de structure, de sécurité :
- cadre de fonctionnement,
- planning connu suffisamment à l’avance
- vision de l’avenir,
- régulation dans les relations.
- régulation et répartition équilibrée de la charge de travail
- besoin de stimulation :
- intérêt dans le travail,
- sens donné aux tâches réalisées,
- perspectives d’évolution,
- formation professionnelle
- besoin de reconnaissance dans le travail et auprès de la personne en elle-même
- félicitations,
- encouragement
- etc…
Quel est le lien entre les besoins fondamentaux des individus et la prévention des RPS ?
Nous pouvons faire l’hypothèse que les risques psychosociaux (risques pour la santé mentale qui prennent source dans des situations de travail dans lesquelles les salariés sont exposés de manière concomitante ou non à du stress, des violences internes, des violences externes) sont faibles voir inexistants dès lors que les besoins fondamentaux des individus (structure, stimulation, reconnaissance) sont « remplis ».
En effet, ces exemples d’environnement de travail représentent des facteurs de protection et de prévention primaire, face aux risques psychosociaux (RPS).
Qu’en est-il des émotions « désagréables » et les situations de travail correspondantes ?
A contrario si l’on regarde de plus près les émotions désagréables, de type :
- peur, doutes, incertitudes, insécurité…,
- tristesse, mélancolie…
- colère, haine, agacement, frustration, incompréhension
Ces émotions « désagréables » peuvent par exemple, prendre source dans les situations de travail suivantes :
- restructuration : fusion, fermeture de site,
- plan sociaux économiques (PSE) : licenciement, plan massif de départs en retraite anticipés
- changement d’organisation du travail, Organisation du temps de travail (OTT),
- changement de métier de l’entreprise (adaptation à un marché)
- critiques inappropriées, démesurées faîtes par des membres de l’équipe ou des managers, sur le travail ou sur la posture au travail
- harcèlement moral . Pour rappel, le harcèlement moral se manifeste par des agissements répétés pouvant entraîner, pour la personne qui les subit, une dégradation de ses conditions de travail pouvant aboutir à une atteinte à ses droits et à sa dignité, ou une altération de sa santé physique ou mentale, ou une menace pour son évolution professionnelle.
- harcèlement sexuel. Pour rappel, le harcèlement sexuel se caractérise par le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste, qui : portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, ou créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. Est assimilée au harcèlement sexuel toute forme de pression grave (même non répétée) dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte sexuel, au profit de l’auteur des faits ou d’un tiers.
- Conflits inter-personnels, inter-services, intra-service
Quelles sont les conséquences de ces situations de travail dégradées, sur la santé mentale des salariés ?
Dès lors que les salariés et managers sont exposés à des contextes d’environnement de travail tel que précédemment cité, leurs besoins de sécurité, de stimulation et de reconnaissance sont mis à mal. Les conséquences peuvent être les suivantes :
- perte de confiance,
- perte de sens,
- démotivation,
- insécurité :
- de l’emploi,
- dans l’avenir,
- dans les relations
- atteinte à l’intégrité et la dignité de la personne
- etc…
Quelles sont les conséquences sur les collectifs de travail ?
Nous observons que ces situations de travail délicates, complexes et dégradées vont avoir également des conséquences sur les collectifs de travail :
- bruits de couloirs, rumeurs,
- clans
- défiance face à la Direction, dans leurs managers
- absence de participation à certains événements ou dans certaines actions portées par l’Employeur
- tensions entre les services et/ou au sein de certains services
Quelles sont les « stratégies » mises en place par les salariés ?
Les stratégie mises en place par les salariés face à ces situations de travail délicates, complexes et dans lesquelles ces derniers ressentent parfois de la colère, de la tristesse, du dégoût, sont les suivantes :
- fuite :
- démission, rupture conventionnelle,
- mutation géographique, changement de site, de service…
- postuler à une offre d’emploi interne
- évitement / désengagement : faire ses horaires et ne plus s’engager au-delà dans le travail
- retrait : repli sur soi, perte d’envie d’appartenir au collectif de travail
- adaptatives : adaptation face à ces situations de travail voir parfois sur-adaptation (au-delà des besoins et limites des salariés et managers)
- avec l’espoir d’un avenir meilleur
- avec parfois un un mal-être ressenti par les personnes qui peut aller jusqu’à un acharnement pour s’adapter à ces situations de travail et in fine arriver jusqu’à l’épuisement professionnel (burnout).
- dégradation des relations sociales au travail : violences verbales et parfois physiques sur soi et / ou sur les autres.
- Dans les cas les plus graves : suicides des personnes sur leur lieu de travail ou en dehors.
Quelles stratégies et actions managériales peuvent permettre de prévenir les risques psychosociaux et développer les émotions agréables au travail ?
- Accueillir et identifier les émotions désagréables ainsi que les besoins qui sont liés :
- Exemples : accueillir la colère exprimée par des collaborateurs.trices sur une situation de travail spécifique.
- Quel besoin se cache derrière l’émotion ? exemple : le besoin de reconnaissance
- Apporter la reconnaissance attendue. Exemples : merci, félicitations pour ton travail, bravo pour l’atteinte des objectifs…
- Proposer un entretien individuel où la personne pourra exprimer son émotion et le besoin qui n’était pas satisfait, une éventuelle demande.
- Prendre un temps pour échanger sur ce qui a été parfois douloureux, délicat et ce dont aurait besoin la personne pour aller au-delà de cette situation. Voir dans quelle mesure sa demande peut-être réalisable.
- S’excuser : l’erreur est humaine. Le manager peut présenter ses excuses sur une situation de travail dans laquelle il n’a pas eu une posture managériale adéquate au regard du contexte par exemple. Il s’agit de reconnaître et accepter ses erreurs, cela fait partie du courage et du leadership managérial
- Reconnaître le droit à l’erreur. Accepter que certaines erreurs sont parfois commises. Dans la mesure où ces erreurs ne sont pas intentionnelles : reconnaître que l’erreur est admise dans et par l’équipe.
- Savoir protéger en tant que manager, employeur face aux violences externes (relations avec le public) et face aux violences internes (conflits et tensions exacerbés dans un service par exemple).
- Déléguer, ce qui vise d’une part à :
- apporter des signes de reconnaissance positifs sur les compétences, expertises, aptitudes des collaborateurs.trices.
- développer l’autonomie dans les équipes
- décharger le manager d’un certain nombre de tâches de travail et de ce fait d’une charge mentale et opérationnelle
- Responsabiliser sur des tâches ou missions spécifiques ce qui vise notamment à remplir les besoins de stimulation et de reconnaissance.
- Accompagner le changement. Cela vise :
- le développement de l’autonomie des personnes
- la confiance dans les relations interpersonnelles et la cohésion d’un groupe.
- le besoin de sécurité notamment lors des changements dans l’entreprise
- Communiquer de manière collective sur :
- les projets en cours,
- les perspectives à venir,
- les décisions prises
- Associer et faire confiance aux collaborateurs.trices dans leurs capacités à proposer des actions et axes d’amélioration :
- Exemple pour co-construire avec eux, un plan d’actions adapté à une situation de travail spécifique ou à un changement à venir
- S’appuyer sur les acteurs en matière de prévention des risques psychosociaux (RPS) :
- internes à l’entreprise (selon taille/structure de l’entreprise) : service RH, Comité RPS, CSSCTC, CSE, Référents harcèlement, syndicats, délégués syndicaux (DS)
- externes à l’entreprise (selon taille/structure de l’entreprise) : Médecins du Travail, Infirmier.ère du travail, Psychologue du travail, Médecin de Prévention, Inspection du travail, Carsat, Préventeurs, Cabinets santé-sécurité au travail